Dimanche 20 mars 2022 | Retourner à Aire-sur-la-Lys, en finir avec le bras de décharge de la Lacquette : trouver le moulin

Didier Vivien passe me chercher : m’emmène de nouveau sur Aire… Entre retour sur ses souvenirs des lieux et retrouvailles avec la Lacquette.


Rituel : en me remontrant le passage du Mardyck à l’entrée de la ville, regard sur l’ancienne piscine, hissé sur un banc. Le lieu, toujours fermé, m’oblige a être voyeur…

L’ami Didier poursuit, m’emmène rue du Mardyck, au pont, le ruisseau coule, large, canalisé, domestique…

Pas loin, la Lacquette nous arrive de l’allée des Marronniers, droite, disciplinée, mais fort amaigrie, j’avais déjà été frappé lorsque je l’avais vue avec Fabienne, sous la pluie, fin octobre 2021…
De l’autre côté du pont, redevient comme un ruisseau qui s’enfonce dans une friche échevelée… Plus sauvage.

Même impression qu’avant, mais plus précise :

« Mais où est donc passé l’eau de la Lacquette ! »

Si je songe à ce que j’ai vu d’elle, encore mercredi, en allant vers Bomy… Comment a t’elle pu tomber si bas ?

Et puis, regardant l’autre pont, celui du Mardyck, et ce que j’entre aperçois au plus loin de la Lacquette, ça fait mouche : mais, cette maison, ce jardin… Doivent correspondre à la propriété où se mêlent leurs eaux !

Chance : deux personnes s’apprêtent à la quitter ; je tente ; m’approche en m’adressant à l’homme qui va monter dans sa voiture. Il me reçoit courtoisement : bingo, c’est bien ça ! Excitation.
Il nous autorise à nous rendre à la pointe du jardin, madame nous y conduit et repart… A ce moment, je comprends aussi que mon enquête à Aire-sur-la-Lys touche à sa fin…

En attendant, tout à ma joie, je note, prends le temps d’observer devant, à mes pieds, le fond de l’eau et derrière, le Mardyck à gauche, avec ses berges tunées et l’autre côté, plus libre, où la Lacquette maltraite les berges…

Didier avait raison : le Mardyck a un petit débit, s’il est large, il n’a pas de fond… A la pointe, c’est bien visible. Je perçois la jonction des deux cours d’eau ; elle se manifeste par les différences de profondeur : le Mardyck n’a pas la force d’entrainer les matières qu’il transporte, elles se déposent… La Lacquette, elle, est profonde, je ne vois pas le fond, l’eau est chargée, plus trouble…

Poursuivre, se rendre à la division de la Lacquette, Didier connaît le coin, une tante habitait par là… Je lui parle d’une roue à aube qui devrait se trouver sur le bras de décharge, il confirme et m’y amène…

Le centre ville lui rappelle sa jeunesse, son école… « Tu vois là-bas, la grille, derrière, tu aperçois un filet vert à l’horizontal, la Lacquettte passe là, dessous. Le filet sert à arrêter les ballons. »
Bon, le filet, faut le deviner plus qu’on ne le voit…

Et plus loin, depuis un pont, LA roue à aube d’un moulin d’eau Cours Saint-Jean, il l’a connu en activité… Je me régale de l’endroit, enregistrant des détails, et pars de l’autre côté de la rue dans l’espoir de voir le cheminement de ce bras vers l’exutoire.

Peine perdu, il n’y a pas d’autres points de vue entre la rue Saint-Pierre et la rue des Clémences ; j’étais allé voir là-bas son débouché dans la Lys, toujours avec Fabienne, en octobre 2021…
L’exiguïté du passage entre les habitats m’interdit définitivement tout voyeurisme : fin de l’épisode Lacquette dans Aire-sur-la-Lys !

Maintenant, Didier m’emmène au point de vue en contrechamp, d’où je peux voir l’arrivée d’eau dans la Lys… De là, je poursuis à pieds vers le pont du boulevard du Général de Gaulle.

Il me récupère pour aller vers la confluence du bras principal de la Lacquette ; au passage, je lorgne vers l’Oduel, sur ma gauche…
Attirance, je décide de m’y engager. En remontant l’arrivée d’eau, j’aperçois la confluence de la Lacquette : même peu visible, une photo du point de vue s’impose !…

Par curiosité, j’allonge le pas jusqu’à une vanne qui sépare la Lys de l’Oduel ; l’endroit me saisit. La rue du Fort Gassion tranche l’univers urbain de celui de la campagne : point de vue sur l’étendue des champs.

A mon retour, aller jusqu’à la vanne de la porte de Garde qui signe la fin de la Lys Municipale et marque l’entrée du bassin des Quatre Faces avant le bief Cuinchy-Fontinettes (le canal d’Aire à la Bassée).

Rebrousser chemin et se diriger vers le bras mort, un quai de déchargement du canal. Au fond, une péniche est accostée, bien au-delà des silos de l’usine de maltage d’orge (Malteurop)… Je ne m’étais pas avancé aussi loin : avec Didier nous réintégrons la voiture pour contourner cette zone d’activité.

Je lui parle de la Lys qui passe dans le siphon sous le canal, il méconnait, aussi, pour essayer de se faire une idée de cette Lys mystérieuse qui joue à cache-cache, nous franchissons le canal à grand gabarit pour avoir un autre point de vue : aller jusqu’au fort Gassion, à l’écluse…

De là, la Lys poursuit son chemin dans les Flandres, les terres basses…
Depuis l’écluse, en contrechamp, je trouve des repères qui me sont devenus plus familiers : les grands silos et la collégiale. A la bifurcation des cours d’eau, les indications de circulation pour les mariniers mènent au canal ; de l’autre coté, c’est le bras de la Lys provenant du siphon, un cul de sac… Elles signalent clairement cette distinction de statut des deux bras.

Didier me signale que nous poursuivons notre avancée dans le territoire des Flandres pour faire une boucle qui va nous conduire à un pont historique des années 30… Widdebrouck, Pecqueur… et voir se profiler l’ouvrage…

Une péniche passe au moment de notre arrivée, j’assiste au spectacle ; d’autres font de même, au niveau du chemin de halage… Sont en train de pique-niquer, un signal pour aller faire de même !

Franchir le pont et traverser Aire pour aller vers Saint-Quentin : retour à la Lacquette et au Mardyck : pique-niquer à notre tour, au pied du petit château, un temps de retrouvailles pour Didier, avec le souvenir de madame Raoult.

Quitter, c’est entamer un retour quelque peu erratique, ayant perdu le but de la sortie… cherchant une boussole…
Où aller ?… Quernes ! Didier a eu l’envie de revoir le moulin.

Et puis…, retourner lentement vers Béthune, hésitant, passant, détour après détour, dans des endroits déjà fréquentés : s’arrêter près de la confluence de la Cavée de la Tirmande et de la Lacquette, pour montrer à Didier ; puis le moulin Espagnol, à Enquin-les-Mines, où nous nous interrogeons un temps sur le passage du gué…, et enfin, Ligny-lès-Aire, histoire de réveiller les vieux démons de Didier.

La vue d’un terril : envie d’ascension… Didier descend sur la Tirmande, jusqu’à l’ancien pont de chemin de fer.
Poursuivre à pieds.

La montée sur le plateau : paysage morne, gris, tarkovkien, la quête d’un lieu impossible… Finalement, trouver la quiétude d’une journée finissante, le socle tiède des stériles, la vue qui s’étend vers les Flandres… et les éoliennes évanescentes qui changent de teintes, jusqu’à s’évanouir dans le bleu du ciel…
Et nous,
apaisés…

Fin du road trip… Mais ce terril ne compte pas nous lâcher si facilement : la descente se fait laborieuse, les ronces nous agrippent… comme pour retarder le retour à la ville, à son agitation, ses bruits…

Jeudi 17 mars 2022 | Dessiner le bassin de la Lacquette avec Flora : entre creuses et bosses…

Ce matin, retrouver Flora Tivelet, à l’hôtel communautaire sis à Béthune, elle est responsable du service de prévention des inondations. Je l’ai déjà vu le mois dernier. Nous avions dégrossi le sujet en prévision de cette rencontre.

Mes préoccupations cartographiques, m’apprendre des rudiments d’hydrologie et repartir avec une liasse de documents à lire…


Aujourd’hui, je ne peux m’empêcher d’ouvrir cette rencontre avec des questions qui me pressent ; après avoir lu, je suis resté sur ma faim : « comment peut-il y avoir autant d’eau à couler toute l’année dans la rivière ? »

… Toujours la même considération qui me taraude…

34 sous-bassins, soit 11.600,7 ha… un réseau hydrographique de 39 rivières et ruisseaux… soit environ 109,5 km. Je n’en connais pas la moitié, la déprime me guetterait-elle ? Bon, c’est vrai que je lis des noms dont je n’ai jamais entendu parler, ou même lu sur la carte : Vallée de Verseaux, le Fief, le Sart, le Fond Truvet, la Barette, la Raiderie, sans compter de nombreux fossés : le Fossé au Nord de la Laque, les Fossés des Marais de Lambres Sud, le Fossé Rumeux…

Vouloir cerner ce bassin m’apparaît aujourd’hui comme une ambition qui est au-dessus de mes forces. La Lacquette, a elle seule, parcourt 21,5 km et lorsque je la longe, j’en ressens le double… La Lacquette des routes n’est pas celle des chemins, et encore moins celle des champs, et celle des villes ou villages n’en parlons pas, où, si elle ne comptabilise pas tant de distance, se dérobe en permanence, joue à cache-cache : faut aller la traquer derrière des maisons, dans des fonds de jardins, si « on » ne l’a pas « enterrée » vive…

Bon… évoquer ce que j’ai vu hier à Bomy, à l’approche de la fontaine Sainte-Frévisse : l’eau de la source ne parcourt qu’un centaine de mètres avant d’alimenter l’eau arrivant de Groeuppe. La carte la nomme comme étant « la rivière de Groeuppe »… Mmm, pour moi, avec ce que j’en ai appris, c’est la Lacquette, et sa source est là-bas, pas si loin ! moins de 2 km à vol d’oiseau… Alors comment se fait-il qu’il y a déjà autant d’eau à ce niveau ?…

Jérémy passe dans le couloir, salutations… Nous l’invitons à se joindre à nous, étendre la discussion à 3.

Flora part chercher les nouveaux documents qu’elle a imprimé : pause café.

Elle revient avec des plans : sous-bassins de la Lacquette, listes avec les superficies, la longueur des cours d’eau ; géologie ; altitude ; pentes ; coefficients de ruissellement… Roboratif, de quoi m’occuper un moment !

Flora nous commente les cartes, les échangent reprennent ; à 3, on avance plus vite… Jérémy se plonge dans celle de la morphologie des pentes et la confronte à celle des coefficients de ruissellement- en été… puis celle de sols. La conversation entre Flora et Jérémy commence à m’échapper, sont plus habitués à cette gymnastique. Me faut traduire dans des représentations imagées, les confronter à mes connaissances des lieux ; l’abstraction de la carte m’éloigne de la Terre, comprendre n’est pas (res)sentir.

J’aime néanmoins la beauté de ce voyage cartographique, au voyage du trait et des champs colorés, à ce qu’ils convoquent en moi des lieux. Je lis des mots écrits, des chiffres, ils sont du voyage eux aussi… l’exotisme du Cénomanien à Fléchin me laisse rêveur, un monde naît qui me plonge dans l’axe profond des temps géologiques… Ça me rappelle cette histoire de pierre au centre du Brocken Circle de Smithson, un des artistes vedette du Land Art historique. Il affectionnait d’ancrer son travail dans les profondeurs de la terre pour mieux le relier au cosmos.

Jérémy doit nous quitter ; commence alors le temps du voyage au crayon à papier n°6B, se remettre au contour du bassin de la Lacquette… C’était l’objet premier de cette rencontre que j’ai détourné pour mes obsessions aqueuses.

Sortir la carte et et retrouver notre entame du mois dernier : après un moment de remise en route, Flora avance, vite, le crayon pointe et marque un point avant de glisser sur la feuille ; s’arrête, hésitant, se perd un temps à gauche, revient et part à droite…

C’est la litanie des chiffres des points hauts, en suivant le dessin des courbes de niveau, évitant les creuses et pour aller chevaucher les bosses : parcourir le territoire n’a jamais été aussi rapide, nous survolons un 111 m après Westrehem, passons sur les Hayettes de Ligny et rattrapons un 102 m pour amorcer un virage en passant sur un plateau et longer un temps la D341 qui remonte vers Rely…

Flora peine sur Aire-sur-la-Lys, tout devient flou, pas pour rien qu’on l’a nommé le « Nœud d’Aire », plus de reliefs à suivre… Tout est désespérément plat et la ville brouille tout : la logique des écoulements urbains prend le pas sur les ruissellements des champs.

Flora m’avait déjà expliqué l’incidence de nos ouvrages humains sur la circulation de l’eau, ceux-ci perturbent les écoulements naturels pour suivre une route, des fossés qui interfèrent dans la répartition du rôles que les cours d’eau doivent jouer ; la ville crée ses propres circuits, qui à contredire la logique des pentes…

Va bientôt être midi, et Flora est allée imprimer un bout de carte pour compléter la mienne, manque côté Redinghem, à l’Ouest du bassin ; les lignes se poursuivent hors champ, faut encore contourner Beaumetz-lèz-Aire… Trouver notre chemin…

12:30, la boucle est bouclée. Flora dépose les armes… La faim commence à se faire sentir, la fatigue du voyage aussi… Nous apprécions le chemin parcouru. Nous nous revoyons mardi prochain, reprendre notre quête des informations, trouver les moyens de me rendre palpable ce bassin.

Et voilà que je me prends à rêver d’organiser un « tour opérateur » :
Le grand tour du bassin de la Lacquette
Ai eu l’impression d’en préparer le circuit avec Flora.
… Prendre route, grandes et petites, se tromper, errer, un peu, passionnément, pas du tout… ; descendre les champs pour approcher un cours d’eau, une source…
Mmm, faudrait que je calcule des distances… imaginer des arrêts, remplacer les commentaires sur les monuments par ceux de la géographie, les mystères de l’eau… ; les restaurants et les hôtels par des pique-niques… des bivouacs…
Bref, un grand road trip, celui de la Lacquette, comme une longue performance collective.
D’y songer, me réjouit…

Mercredi 16 mars 2022 | Entre repérage et balade : suivre Émilie et Fabienne autour de Bomy

Histoire sans paroles…

Où l’on croise à plusieurs reprises la Lacquette (ou la rivière de Groeuppe à ce niveau, selon…), en traversant le ruisseau du Fond de Rupigny au Sud-Ouest, pour faire un détour par la Fontaine Sainte-Frévisse et retourner vers Bomy en croisant le fossé du Fond de Brequigny qui nous ramène à la Lacquette, au niveau du château.