Didier Vivien passe me chercher : m’emmène de nouveau sur Aire… Entre retour sur ses souvenirs des lieux et retrouvailles avec la Lacquette.
Rituel : en me remontrant le passage du Mardyck à l’entrée de la ville, regard sur l’ancienne piscine, hissé sur un banc. Le lieu, toujours fermé, m’oblige a être voyeur…
L’ami Didier poursuit, m’emmène rue du Mardyck, au pont, le ruisseau coule, large, canalisé, domestique…
Pas loin, la Lacquette nous arrive de l’allée des Marronniers, droite, disciplinée, mais fort amaigrie, j’avais déjà été frappé lorsque je l’avais vue avec Fabienne, sous la pluie, fin octobre 2021…
De l’autre côté du pont, redevient comme un ruisseau qui s’enfonce dans une friche échevelée… Plus sauvage.
Même impression qu’avant, mais plus précise :
« Mais où est donc passé l’eau de la Lacquette ! »
Si je songe à ce que j’ai vu d’elle, encore mercredi, en allant vers Bomy… Comment a t’elle pu tomber si bas ?
Et puis, regardant l’autre pont, celui du Mardyck, et ce que j’entre aperçois au plus loin de la Lacquette, ça fait mouche : mais, cette maison, ce jardin… Doivent correspondre à la propriété où se mêlent leurs eaux !
Chance : deux personnes s’apprêtent à la quitter ; je tente ; m’approche en m’adressant à l’homme qui va monter dans sa voiture. Il me reçoit courtoisement : bingo, c’est bien ça ! Excitation.
Il nous autorise à nous rendre à la pointe du jardin, madame nous y conduit et repart… A ce moment, je comprends aussi que mon enquête à Aire-sur-la-Lys touche à sa fin…
En attendant, tout à ma joie, je note, prends le temps d’observer devant, à mes pieds, le fond de l’eau et derrière, le Mardyck à gauche, avec ses berges tunées et l’autre côté, plus libre, où la Lacquette maltraite les berges…
Didier avait raison : le Mardyck a un petit débit, s’il est large, il n’a pas de fond… A la pointe, c’est bien visible. Je perçois la jonction des deux cours d’eau ; elle se manifeste par les différences de profondeur : le Mardyck n’a pas la force d’entrainer les matières qu’il transporte, elles se déposent… La Lacquette, elle, est profonde, je ne vois pas le fond, l’eau est chargée, plus trouble…
Poursuivre, se rendre à la division de la Lacquette, Didier connaît le coin, une tante habitait par là… Je lui parle d’une roue à aube qui devrait se trouver sur le bras de décharge, il confirme et m’y amène…
Le centre ville lui rappelle sa jeunesse, son école… « Tu vois là-bas, la grille, derrière, tu aperçois un filet vert à l’horizontal, la Lacquettte passe là, dessous. Le filet sert à arrêter les ballons. »
Bon, le filet, faut le deviner plus qu’on ne le voit…
Et plus loin, depuis un pont, LA roue à aube d’un moulin d’eau Cours Saint-Jean, il l’a connu en activité… Je me régale de l’endroit, enregistrant des détails, et pars de l’autre côté de la rue dans l’espoir de voir le cheminement de ce bras vers l’exutoire.
Peine perdu, il n’y a pas d’autres points de vue entre la rue Saint-Pierre et la rue des Clémences ; j’étais allé voir là-bas son débouché dans la Lys, toujours avec Fabienne, en octobre 2021…
L’exiguïté du passage entre les habitats m’interdit définitivement tout voyeurisme : fin de l’épisode Lacquette dans Aire-sur-la-Lys !
Maintenant, Didier m’emmène au point de vue en contrechamp, d’où je peux voir l’arrivée d’eau dans la Lys… De là, je poursuis à pieds vers le pont du boulevard du Général de Gaulle.
Il me récupère pour aller vers la confluence du bras principal de la Lacquette ; au passage, je lorgne vers l’Oduel, sur ma gauche…
Attirance, je décide de m’y engager. En remontant l’arrivée d’eau, j’aperçois la confluence de la Lacquette : même peu visible, une photo du point de vue s’impose !…
Par curiosité, j’allonge le pas jusqu’à une vanne qui sépare la Lys de l’Oduel ; l’endroit me saisit. La rue du Fort Gassion tranche l’univers urbain de celui de la campagne : point de vue sur l’étendue des champs.
A mon retour, aller jusqu’à la vanne de la porte de Garde qui signe la fin de la Lys Municipale et marque l’entrée du bassin des Quatre Faces avant le bief Cuinchy-Fontinettes (le canal d’Aire à la Bassée).
Rebrousser chemin et se diriger vers le bras mort, un quai de déchargement du canal. Au fond, une péniche est accostée, bien au-delà des silos de l’usine de maltage d’orge (Malteurop)… Je ne m’étais pas avancé aussi loin : avec Didier nous réintégrons la voiture pour contourner cette zone d’activité.
Je lui parle de la Lys qui passe dans le siphon sous le canal, il méconnait, aussi, pour essayer de se faire une idée de cette Lys mystérieuse qui joue à cache-cache, nous franchissons le canal à grand gabarit pour avoir un autre point de vue : aller jusqu’au fort Gassion, à l’écluse…
De là, la Lys poursuit son chemin dans les Flandres, les terres basses…
Depuis l’écluse, en contrechamp, je trouve des repères qui me sont devenus plus familiers : les grands silos et la collégiale. A la bifurcation des cours d’eau, les indications de circulation pour les mariniers mènent au canal ; de l’autre coté, c’est le bras de la Lys provenant du siphon, un cul de sac… Elles signalent clairement cette distinction de statut des deux bras.
Didier me signale que nous poursuivons notre avancée dans le territoire des Flandres pour faire une boucle qui va nous conduire à un pont historique des années 30… Widdebrouck, Pecqueur… et voir se profiler l’ouvrage…
Une péniche passe au moment de notre arrivée, j’assiste au spectacle ; d’autres font de même, au niveau du chemin de halage… Sont en train de pique-niquer, un signal pour aller faire de même !
Franchir le pont et traverser Aire pour aller vers Saint-Quentin : retour à la Lacquette et au Mardyck : pique-niquer à notre tour, au pied du petit château, un temps de retrouvailles pour Didier, avec le souvenir de madame Raoult.
Quitter, c’est entamer un retour quelque peu erratique, ayant perdu le but de la sortie… cherchant une boussole…
Où aller ?… Quernes ! Didier a eu l’envie de revoir le moulin.
Et puis…, retourner lentement vers Béthune, hésitant, passant, détour après détour, dans des endroits déjà fréquentés : s’arrêter près de la confluence de la Cavée de la Tirmande et de la Lacquette, pour montrer à Didier ; puis le moulin Espagnol, à Enquin-les-Mines, où nous nous interrogeons un temps sur le passage du gué…, et enfin, Ligny-lès-Aire, histoire de réveiller les vieux démons de Didier.
La vue d’un terril : envie d’ascension… Didier descend sur la Tirmande, jusqu’à l’ancien pont de chemin de fer.
Poursuivre à pieds.
La montée sur le plateau : paysage morne, gris, tarkovkien, la quête d’un lieu impossible… Finalement, trouver la quiétude d’une journée finissante, le socle tiède des stériles, la vue qui s’étend vers les Flandres… et les éoliennes évanescentes qui changent de teintes, jusqu’à s’évanouir dans le bleu du ciel…
Et nous,
apaisés…
Fin du road trip… Mais ce terril ne compte pas nous lâcher si facilement : la descente se fait laborieuse, les ronces nous agrippent… comme pour retarder le retour à la ville, à son agitation, ses bruits…